Corinne Mercadier

Une autre lecture de l'oeuvre de Corinne Mercadier que vous êtes en train de regarder, par Jean-François Lucido, médiateur au Centre d'art contemporain.

Sur cette photographie, comme sur l’essentiel de son travail, Corinne Mercadier réalise une mise en scène photographique liée à une perception poétique de la place de l'être humain ou plutôt une esquisse d’être humain dans l'espace. Nous devinons une présence « fantomatique » ou le souvenir d’une âme.

Une musicalité s’installe alors à travers la chorégraphie de l’ombre et de la lumière. Elle porte autant d’intérêt à la danse qu’à l’architecture et aux espaces intersidéraux. Pour réaliser cette mise en scène, dessinée préalablement, elle fait appel à des modèles, danseurs, acteurs, qui seront ses interprètes. Elle fabrique les costumes, et les sculptures destinées à être lancées au cours des prises de vue. Elle fait ainsi se rencontrer le dessin, la danse, l’architecture, et son partenaire de prédilection : le hasard.

Les personnages et les objets habitent les photographies, les objets volent à travers le cadre transportant ainsi le décor minéral. La forme que prend un livre qui tombe tient totalement du hasard. Les objets sont comme des idées sans mots, le résultat les laisse se proposer des formes.

 

"A la mystérieuse" de Robert Desnos

 

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant

Et de baiser sur cette bouche la naissance

De la voix qui m'est chère?

 

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués

En étreignant ton ombre

A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas

Au contour de ton corps, peut-être.

Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante

Et me gouverne depuis des jours et des années,

Je deviendrais une ombre sans doute.

O balances sentimentales.

 

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps

Sans doute que je m'éveille.

Je dors debout, le corps exposé

A toutes les apparences de la vie

Et de l'amour et toi, la seule

Qui compte aujourd'hui pour moi,

Je pourrais moins toucher ton front

Et tes lèvres que les premières lèvres

Et le premier front venu.

 

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,

Couché avec ton fantôme

Qu'il ne me reste plus peut-être,

Et pourtant, qu'a être fantôme

Parmi les fantômes et plus ombre

Cent fois que l'ombre qui se promène

Et se promènera allègrement

Sur le cadran solaire de ta vie.