Jacqueline Salmon - La raison de l'ombre et des nuages
L’œuvre photographique de Jacqueline Salmon est une œuvre de pensée sensible : la quête obstinée d’une image juste, qui se tiendrait quelque part entre disparition et apparition, comme la pensée. Les pensées sont toujours connectées (dispersées) au ciel et les nuages ses volutes éphémères.
Les nuages constituent un sujet poétique qui se situe tout d’abord entre les discours théologique (étude du divin), scientifique et littéraire, mais aussi entre ceux qui relèvent de la philosophie, de la politique, de l’éthique, de l’esthétique etc. Il importe donc d’embrasser une multitude d’aspects, issus de contextes différents, parfois opposés, mais souvent convergents, car le thème du ciel nuageux présente une grande complexité.
Ainsi, l’interprétation peut porter sur l’explication rationnelle du phénomène météorologique ; sur la description des nuages comme des images de la nature qui symbolisent le fugitif et l’éphémère ainsi que le mouvement et la transformation ; sur leur fonction de métaphore exprimant l’énigmatique, le merveilleux, le métaphysique et le désir d’ailleurs ; enfin, les images que les nuages dessinent dans le ciel peuvent être considérées comme des figures de projection, des miroirs de l’âme humaine, des produits de l’imagination ou comme paradigme de la création artistique.
La contemplation des nuages : une expérience vertigineuse
Les nuages exercent sur toute personne une fascination mystérieuse. Les nuages ont dû séduire l’imagination de l’homme par leurs formes changeantes et souvent fantastiques. Par conséquent dans toutes les époques les nuages se confondent comme des « mystères » ou des « énigmes », comme des « merveilles » ou des « magies », comme un « secret » ou un « miracle ».
Déjà la simple contemplation des nuages transpose l’homme dans une rêverie, un état second, provoqué par l’expérience vertigineuse de suivre leur mouvement par le regard.
Commençons par le caractère fugitif, éphémère et transitoire des nuages. Leur existence est parfois d’une brièveté étonnante : on les voit surgir et s’effacer avant qu’on n’ait le temps de les décrire. La courte durée des nuages semble illustrer la vitesse de la fuite du temps. C’est dans la métamorphose que réside le grand secret des nuages. C’est de cette instabilité que résulte finalement la richesse des formes.