Jacques Réattu

Une autre lecture de l'oeuvre de Jacques Réattu que vous êtes en train de regarder, par Jean-François Lucido, médiateur au Centre d'art contemporain.

Avec les sujets héroïques de l’histoire antique, la mythologie gréco-romaine fait partie des sujets privilégiés par les peintres d’Histoire. Ces récits légendaires relatant l’origine du monde sont notamment racontés dans Les Métamorphoses d’Ovide au début du Ier siècle. Peuplés de dieux et de personnages extraordinaires, ils sont une source d’inspiration inépuisable pour les artistes, dont Jacques Réattu qui y empruntera de nombreux sujets et personnages tout au long de sa carrière. L’étude de drapé permet de travailler l’agencement des étoffes et des plis des vêtements, en vue du tableau final. Dans cette toile de Réattu, les parties du corps sont apparentes mais seul importe le dessin du drapé, inspiré de l’antique. *La détrempe est une peinture dont les pigments sont liés par émulsions naturelles (jaune d’œuf) ou artificielles : colles de collagène (colle de peau, etc.) ou des polysaccharides (gomme arabique, gomme indigène, etc.) en solution aqueuse. On l’appelle aussi tempera, les deux termes étant équivalents, tout en faisant l’objet de polémiques, certains employant « tempera » pour les techniques à l’œuf et réservant « détrempe » aux solutions aqueuses L’étude de drapé permet de travailler l’agencement des étoffes et des plis des vêtements, en vue d’un tableau final. Dans ces études de Réattu, les parties apparentes du corps sont à peine esquissées, seul importe le dessin du drapé, inspiré de l’antique. Son énigme est révélatrice des merveilleuses ambiguïtés du drapé dans l’art, cette étoffe destinée à cacher, à soustraire, autant qu’à souligner, à exalter, tel un piège à fantasmes. Depuis l’Antiquité, ce motif n’a cessé de stimuler l’imagination des peintres, des sculpteurs, ou récemment des photographes. Parfois, le drapé prend ses aises, oublie le corps dont il s’émancipe. Le vent, la pesanteur, toutes ces forces invisibles transparaissent ici par la grâce d’un tissu tumultueux. Dans le secret des plis, le regard s’engouffre, mystérieusement happé. Voilà la magie du drapé. Les mots draperie et drapé font partie du vocabulaire des arts depuis la Renaissance. Ils sont définis ainsi dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française paru en 1694 : « [ce terme de draperie] signifie en termes de peinture, la représentation des étoffes & des habits ». La draperie est ainsi un vêtement (ou un tissu) représenté ou imité. Si le mot a été défini au XVIIe siècle, cela ne veut pas dire pour autant que l’objet draperie n’existait pas au préalable. Toutes les périodes de l’histoire de l’art, toutes les civilisations et toutes les techniques artistiques sont en effet concernées. Le drapé est quelque chose qui à la fois, cache mais aussi montre, révèle le corps nu. On souhaitait évoquer la question de la « survivance » ; le drapé considéré comme accessoire cachant, montrant le corps, qui exprime des passions, des émotions, avec pour point d'origine l'Antiquité, et puis, on a voulu également dépasser cette question de la « survivance » à travers celle de ce qu'on appelait « la survenance », c'est-à-dire comment les formes se mettent en place, sont étudiées. La draperie n'a pas de forme en soi, c'est le corps qui lui donne sa forme. Le nu est une forme formante, le drapé revêt le corps, et c'est le corps qui structure le drapé.